Chacun de nous est unique et a le droit de comprendre n'importe quel texte, personne ou idée de la manière qu'il trouve la meilleure, et personne ne peut lui dire comment percevoir une idée spécifique et comment il comprendra le sens de la vie pour lui-même, parce que chacun de nous est le chemin et la vie, et tout ce qu'il y a.
Des mathématiques supérieures à l'étude approfondie de l'hébreu biblique et des sciences humaines, de la profession d'infirmière à l'exercice de la psychothérapie et à l'enseignement, l'expérience d'Annick de Souzenelle est d'une richesse hors du commun qui fait toute la densité de son oeuvre.
Partant de cette expérience et des questions cruciales dont dépend le sens de l'existence humaine - l'amour, l'enfantement, la maladie, le " mal " , le corps et la souffrance, la mort et l'espérance - Jean Mouttapa interroge ici l'auteur du Symbolisme du corps humain.
Passionnant dialogue au cours duquel la foi fervente d'Annick de Souzenelle, orthodoxe puisant aux sources hébraïques du christianisme, éclaire d'un sens nouveau tous les domaines de la vie. Ses réponses nous invitent à nous mettre à l'écoute de notre corps, " lieu d'accomplissement intérieur " , pour y entendre la Parole. Ces entretiens, réalisés au début des années 1990, n'ont rien perdu de leur pertinence spirituelle.
Se pourrait-il en Europe que nous ayons confondu le spirituel et le mental, le subtil et l'abstrait, la prière et la récitation machinale, la foi et les sentiments? Se pourrait-il que nous ne sachions pas lire la Bible, écouter les mythes et les contes, décrypter le langage symbolique du corps ou celui de la nature? La grande tâche pour AdS commence par le travail intérieur, par la nécessité de descendre dans nos enfers, d'affronter nos démons et nos ombres, pour espérer renaître dans une pleine conscience de soi, dans l'esprit divin, de son corps ou de son âme. C'est ce qu'elle voudrait réveiller.
Vous trouverez ci-après un aperçu des thèmes abordés en espérant que cela vous donne l'envie de les découvrir en lisant le livre.
Et dans un sous-menu une reprise du questionnement avec d'autres approches.
Une vie dans le désir de Dieu:
C'est au 1er degré compter sur le Père quand les humains jouent à se faire peur, à se faire mal, en ce lieu où la miséricorde n'est pas impliquée par la tragédie humaine: la vie spirituelle et la prière. Elle va trouver dans la foi orthodoxe l'accent mis sur l'essentiel, la rencontre amoureuse avec Dieu, les Noces divines. C'est le mystère de la nature humaine capable d'épouser le divin qui l'habite. Y compris par la liturgie qui mobilise les symboles pour faire descendre le Ciel sur la Terre et monter la Terre au Ciel.
Le corps et sa parole:
La transcendance nous habite: le corps est littéralement le temple de l'esprit; chaque cellule le signifie; elle s'expérimente donc à tout instant pour peu qu'on apprenne à voir, sentir, aimer...
Nous ne sommes pas coupé du divin. Mais il faut le retrouver en notre être profond, en notre corps qui parle notamment à travers les maladies. C'est à chacun-e d'en faire le décryptage subtile. Nous créons les événements et ce qui arrive à notre corps qui manifeste une dimension de notre vie profonde. Cela dit l'importance du terrain fragilisé par les fatigues, le stress, l'angoisse, une mauvaise hygiène de vie, etc. Il importe de savoir faire la différence entre le corps que l'on a et le corps que l'on est, là où se joue le grand oeuvre de vie qui nous fait passer de la dimension animale à l'être spirituel, une nouvelle entité corps-âme-esprit, l'âme vivante du 7è jour dans la Genèse.
C'est YHWH qui en est le germe non encore accompli.
Il devra se faire à travers la glande pinéale, le Verbe en somme, par qui nous sommes créateurs, par le sexe, puis appelés à le devenir par le Verbe. La relation lumière-ténèbres y sera l'accompli-inaccompli mais aussi l'exprimé-inexprimé. Pour Jésus, nous sommes le sel de la terre (ce qui relie) et la lumière du monde. Un symbole soit ce qui relie le visible à l'invisible, ce qui porte le Souffle, l'énergie du Verbe qui l'a créé.
La main sera le symbole de la connaissance ou de notre volonté de prendre. Le mythe nous encourage à investir nos dimensions lumineuses ou ténébreuses en les entendant, en les intégrant à notre vie. Livrées à elles-mêmes ces forces peuvent acquérir une autonomie redoutable. Or, la tradition occidentale se situe entre le multiple et l'un, entre le Je et le Tu, ce qui conduit à une respiration.
NOUS POUVONS AINSI PARTICIPER à LA NATURE DIVINE, NOUS EN APPROCHER SANS POURTANT NOUS Y FONDRE: mais il s'agit toujours du potentiel intérieur de nos énergies cosmiques et non de l'essence divine; c'est la transcendance qui se fait immanence.
Différentes techniques permettent d'y goûter, de lier l'intérieur et l'extérieur en son corps: la marche, la méditation, le chant, la prière...
C'est un travail quotidien pour devenir l'Arbre de la Connaissance capable de porter du fruit, et prendre en compte notre nature divine. C'est la Qabbale: la descente de l'esprit dans le coeur humain. C'est l'Arbre de Vie qui correspond aussi au corps du Christ de l'église de Saint-Irénée, l'archétype du corps de l'Homme créé dans l'image de Dieu, à sa ressemblance, à partir de rien, de AIN qui symbolise le lieu sans espace où Dieu se retire, passe par le rien pour que l'homme advienne: c'est le point d'en-haut, au-delà du sommet de notre tête.
Malkuth, le royaume, y est le point d'en-bas, notre cosmos intérieur féminin qui symbolise les pieds, la marche pour accueillir les forces telluriques nécessaires à la vie. Il s'agira de monter vers Kether, la Couronne, et Ain le rien: c'est le défi de notre redressement intérieur. Nous devons tendre à l'unité, à ce qui fait lumière, aux épousailles de l'accompli et de l'inaccompli (qui n'est pas le Mal!); ce mariage intime avec le divin s'accompagne d'une montée de sève. D'une montée de l'avoir, à l'être et au devenir à la ressemblance de Dieu. Le corps est la cathédrale de ce voyage, il faut l'écouter, car un organe malade peut indiquer le blocage à la réalisation du programme.
La femme est l'à-venir de l'homme:
Elle est plus en phase avec la vie des profondeurs et la dimension du mystère, donc moins centrée sur le mental. Elle serait plus à centrer sur la mission de donner la vie à tous les niveaux, de l'amour aussi.
Mais pour cela, il est nécessaire de retourner aux profondeurs, à la mer - c'est le déluge - pour ensuite pouvoir créer du sec, de la conscience. Adam est l'humanité globale, hommes et femmes.
Le mot mâle en hébreu veut dire se souvenir (Zahkor) tandis que le mot femelle - Nqévah - relie le créé et l'incréé.
Ce qui devient le but de tout existant: se souvenir de toute cette énergie qui gît au fond de l'être. Adam va devoir nommer tous les animaux intérieurs qui l'habitent, soit toutes les puissances de son âme pour en retourner les énergies en lumière pour gagner la ressemblance avec Dieu. Par la chute, il perd conscience que l'image est déjà là. Il est Ish, époux, en son potentiel féminin non accompli; Dieu lui donne un vis-à-vis pour le manifester :Ishah, l'épouse qui va permettre l'éveil, elle est l'un de ses côtés et non la côte.
Cette non différenciation était l'état d'inconscience, la nudité d'une nécessaire prise de conscience qui n'aboutira pas puisque le serpent s'en mêle. Ishah après la chute sera nommée par Adam Hawah soit son image extérieure de la mère de toute vie; il la réduit ainsi à sa fonction biologique. Le serpent l'a séduite, c'est l'Absolu satanique de l'avoir et du pouvoir, des objets du désir que nous voulons accaparer mais qui nous rend esclaves. Ce malheur peut être dépassé mais le retour s'annonce douloureux. Ce chemin vers l'intériorité s'annonce comme une lame de fond incontournable.
Aimer et désirer:
Nous avons à retourner vers notre Adamah car nous sommes esclaves de nos dispersions intérieures (travail, passions, peurs, désirs, volontés de puissance, etc.) qu'il faut défricher, labourer, cultiver autrement, épouser pour ne pas être écartelé par une pluralité d'énergies désordonnées et contradictoires.
En ce sens nous sommes poussière. Appelés à nous retourner vers elle.
L'amour éros se consume dans l'entropie, l'amour agapè lui brûle sans se consumer. Il le devrait car on en a fait une spiritualité cérébrale basée sur une morale castratrice. En réaction surgissent le n'importe quoi et le laxisme, l'illusion d'avoir brisé les tabous et les barrières sans toutefois avoir investi correctement nos énergies. Cela devrait conduire l'humanité au stade cruel mais crucial d'une vocation à la profondeur. Rien à voir donc avec un péché originel inventé par Augustin au IV s. Il désigne une erreur de visée, une méconnaissance de notre nature divine, un dévoiement du désir vers l'extériorité au lien d'aller vers l'intériorité, vers la conjugaison de l'éros et de l'agapè. Ici, le désir n'y est pas comme chez Bouddha cause de toutes les souffrances: car il est aussi désir de Dieu.
Le Christ nous libère des lois de la chute par la connaissance des lois de l'être, par le passage du signifiant au signifié, des commandements à l'amour qui habite en nos profondeurs: il nous invite à laisser mourir la noirceur pour laisser ressusciter la lumière, pour l'approcher en dépit de nos idées, de nos valeurs, de nos espoirs et projets mondains.
Engendrer et s'engendrer:
L'amour véritable réclame un double mouvement: se retirer pour que l'autre puisse être. Et se mettre au clair avec l'égo qui voudrait sans cesse tout accaparer: il faut donc s'éduquer.
Avec nos enfants, il va tendre à un accomplissement de groupe. Il s'agit encore et toujours de laisser la confiance nous porter, palier nos manques, afin qu'elle puisse alléger les pesanteurs de notre passé, car le divin qui nous habite nous transcende totalement: il redéfinit ce qui fait sens. Les forces et les faiblesses de nos enfants, leurs joies ou leurs peines, nous renvoient à nos propres carences et richesses, en pointant ce qui peut être changé. Ce qui veut dire mourir et renaître encore et toujours.
Il faut voir le Christ comme le fils de l'Adam intérieur abouti, et Marie de manière analogue l 'épouse aboutie à la Ressemblance de Dieu, mais nous possédons toutes et tous ce germe divin: nous participons simplement éventuellement à cette nature divine sans nous y fondre ou nous y confondre. Elle reste la direction souhaitée, lieu de la trahison quand on se laisse dévorer par Satan ou lieu de transfiguration quand nous canalisons l'éros en agapè. Notre destin profond est d'épouser notre père, notre mère des profondeurs. Il faut pour cela pénétrer cette mer d'énergies inconscientes, les épouser et les connaître pour mieux les orienter. Adam a voulu en quelque sorte être dieu à la place de dieu et c'est une forme de parricide.
Souffrir et croître:
La souffrance et les obstacles de la vie sont à voir comme un processus d'intégration dans lequel le mental est mis de côté pour qu'il ne puisse faire barrage. C'est une manière de devenir comme des enfants...car la souffrance et la maladie n'ont aucune vertu positive intrinsèque: elles ne peuvent donc être offertes en sacrifice!
Il s'agit plutôt de s'abandonner en Dieu à la finalité du processus, au germe divin, au noyau de l'être car il est porteur d'une puissance néguentropique.
C'est une manière de créer du sacré, c'est le chemin de lumière. Le dieu punisseur qui dispense la souffrance et la mort à cause du péché n'existe pas! Mais il nous appelle à devenir capable de Dieu: en la repoussant ou en la refusant on donne naissance à l'inhumain. Nous en sommes responsables mais pas coupables.
Satan, l'adversaire, n'est pas l'ennemi, mais celui qui fait barrage, entrave, empêche d'accéder à notre véritable nature, le passage de l'avoir à l'être qui est aussi dépassement de l'inimitié envers Dieu.
Entrée dans l'esprit qui participe au monde divin. Sortie de la déviation, du dérapage, du péché comme erreur de visée. Pardon, libération de soi, de l'enfermement. Retournement, métanoïa.
Libération fondamentale de l'être, renaissance dans la miséricorde qui a valeur d'engendrement.
Nous sommes responsables du poids de notre inconscient: il faut y descendre, c'est l'enfer, - mourir - pour renaître et revêtir notre ressemblance à Dieu. Le bien y sera la lumière déjà accomplie et son contraire la ténèbre le non encore accompli.
Il faut sortir de la vision d'un bien et d'un mal car ce dernier ne saurait avoir une existence ontologique, voulue et créée par Dieu. Sortir aussi d'une quête de la perfection, car la stabilité c'est la mort; en dieu coexiste l'immobilité absolue et le mouvement absolu, sans que ces dimensions soient contradictoire ou antinomique.
Le Mal n' a rien d'une puissance obscure et maléfique: il est ce potentiel lumineux et divin qui reste inexprimé ou inaccompli.
Les eaux d'en haut sont le mystère divin, l'inconnaissable. Celles du bas désignent le créé encore à l'état de ténèbre. La connaissance véritable passe par l'intériorité pour remonter vers Dieu, devenir à sa ressemblance: elle est amour, précisément ce qui nous enfante. L'Homme veut au contraire conquérir puissance et sécurité, jouissance et possession immédiatement et sans effort: c'est par l'impatience qu'il perd le paradis et par paresse qu'il n'y retourne pas.
Il faut au contraire aller vers son animal intérieur, dans l'acceptation de notre nature réelle, de ces énergies puissantes, vers ce monstre tapi pour apprendre à le connaître, à l'accepter, l'apprivoiser, le travailler et le retourner finalement en forces spirituelles.
Il faut bien passer par là: nommer ses dragons intérieurs pour un jour devenir le fruit attendu. L'Epée comme symbole de YHVH, avec son pommeau et ses deux tranchants, rappelle qu'il dérange et exige de construire plus haut et non de nous installer.
Cela veut dire pour l'humanité muter ou disparaître.
Relire la Bible: pourquoi? Comment?
L'approche historico-critique n'est pas inutile mais elle n'est pas féconde car elle oublie l'éblouissement du Verbe. Cela étant, il faut clairement distinguer une approche émotionnelle d'une visée spirituelle qui inclut l'esprit critique mais aussi et surtout les énergies qu'il éveille en nous et autour de nous. Le présupposé hébraïque dit que Dieu par son Verbe a créé toute chose, ce qui par sa dimension de symbole a pour vocation de retourner à travers la lecture qu'en font les humains. C'est une écoute à haut risque qui est ainsi présupposée. Dans l'approche ésotérique, la profondeur de la connaissance ne se révèle qu'en fonction des morts et des résurrections intérieures du connaissant: car la seule chose importante finalement est la capacité d'aimer: c'est ce qui transforme la vie en lui donnant sens et beauté.
L'enseignement essentiel nous dit que le malheur humain procède de notre divorce intérieur de la rupture avec notre véritable nature divine.
L'Homme est fondamentalement mobilisé par la puissance de l'éros qui contient le secret du dépassement en sa verticalité retrouvée, dans les épousailles divines, dans l'accomplissement du divin en Christ: le dieu fait homme pour que l'homme devienne dieu.
Les hommes du passage:
Pour opérer notre passage vers une dimension d'accomplissement, il nous faut entrer dans notre soir, dans la nuit matricielle de notre intériorité pour renaître. Ainsi le monde occidental judéo-chrétien va devoir un jour ou l'autre épouser le frère arabe. Toutefois, l'hébreu reste l'icône la plus proche du Verbe de Dieu qui fonde le créé. Il est aussi l'affirmation du monothéisme l'unique Lumière pour tous les peuples.
La Parole incarnée:
Le Dieu biblique ne mène à aucune déification de l'humain ou des forces de la nature, il n'est pas étranger, transcendant, ou cantonné au cieux. Il s'inscrit dans l'histoire humaine mais il est double: Elohim le pluriel d'un pluriel, l'altérité absolue et YHWH, le Je suis; le 1er crée, le 2è fait.
L'Homme est ainsi fondé sur l'image divine, germe organisateur et créateur, capax Dei. Mais il faudra qu'il le manifeste. Dieu est l'Un qui se fait deux pour nous habiter et nous rencontrer. Le très haut et le très intérieur indissociables, la seule et unique lumière.
Notre potentialité divine est liée à Je fus, je suis et je serai, à YHWH. Ce qui nous permet d'aimer, de penser, d'exister. Il est Celui encore inaccompli qui se révèle à Moïse. L'accomplissement se fera par la personne de Jésus qui nous permet d'accéder à ce nouvel espace d'accomplissement. Il transcende le temps, l'Instant de l'histoire qui bombarde tous les autres temps en les réajustant, en les fécondant de la Présence et de la Puissance du Ressuscité.
La manducation de la Parole:
L'incarnation du Verbe, sa mort et sa résurrection étaient ontologiques, la violence elle est liée à la chute. Par là, toutes les naissances intérieures sont désormais possibles. Mais pour connaître le royaume, il faut renaître d'en haut! Le Christ nous permet de réintégrer notre véritable nature, de l'épouser. Il est le pain substantiel, sous les apparences, de chaque jour, pain essentiel, l'Esprit. Manger en hébreu peut se lire Elohim se donne en totalité.
L'ère de l'esprit:
Il y a uniquement 2 dogmes chrétiens - des axiomes indémontrables, des impossibles devenus possibles - qui sont l'incarnation et la trinité. C'est sur la foi que tout se fonde, sur le retournement à notre nature profonde, vers ce Royaume intérieur chargé d'un potentiel d'énergies. Mais l'Homme n'est viable que soudé aux rites religieux, confronté à eux ou encore aux chants liturgiques qui possèdent des vertus thérapeutiques tant ils réharmonisent les énergies. Ce qui n'est pas le cas de vague mélodie sentimentale. La foi réclame un laisser faire: le seul agir juste consiste à lever ce qui fait barrage au désir de croire. La volonté vient ici seulement réorienter ce désir, nous faire retourner à l'essentiel pour aller vers le Je suis, le profondément soi.